Que s'est-il passé en septembre 2015?
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Je suis venu, avec trois actrices et trois acteurs, confronter notre tentative d'écriture collective au soleil du beau pays de Sault.
Notre domaine de recherche, c'est le théâtre, et dans ce domaine nous pratiquons l'écriture au plateau : une manière de créer des spectacles dans laquelle les acteurs inventent les situations et les mots qui composeront la pièce finale. Il y a, au fil des improvisations et des répétitions, des scènes qui viennent, des scènes qui s'en vont, et celles qui restent seront repassées cent fois sur le métier avant d'être montrées au public.
C'est une écriture collective et un mot en entraîne un autre jusqu'à ce qu'on ne puisse plus dire, dans la polyphonie créatrice, qui est l'auteur de telle ou telle phrase.
Durant quatre semaines, ont aussi participé à la création de notre spectacle : la riche bibliothèque et la salle de travail, côté scène et côté table ; les sentiers autour de la maison, pistes de marche ou de course, pour se perdre ou se retrouver ; les petits santons ; les bois de cerf ; l'Institut Purciou et son masque de jour en peau de cochon ; le silence et le vent. Et Anne bien sûr.
Ce que je retiens le plus dans le cadre de la résidence fut cette soirée d'ouverture où, après trois semaines de travail presqu'à huis clos, nous avons rencontré ceux qu'Anne avait invités, les gens du coin comme on dit, fraiches relations ou simples connaissances. Les gens du coin, c'est-à-dire ceux qui vivent là à l'année, c'est-à-dire aussi ceux qui connaissent très bien le théâtre, ou qui n'y sont jamais allé, qui travaillent la terre chaque jour, ou bien dans un bureau, des jeunes et des vieux, certains ayant pour seul référence de ce qu'est un acteur ce qu'ils en ont vu à la télé. Bref il y avait du beau monde, et nous voulions leur montrer trente minutes de notre théâtre. Ça s'est très bien passé ; et nous le savions au fond, que c'est peut-être ce public qui est le plus apte à comprendre le théâtre que nous cherchons, le spectacle débarrassé des préjugés de forme ou de fond que les institutions parviennent difficilement à ne pas reproduire. Et la discussion qui suivit m'a laissé le souvenir que j'étais sans doute venu chercher, la rencontre de la vie et de l'art. Et tous les présents étaient aussi bien d'un côté comme de l'autre. Une question notamment, soulevée par beaucoup, serait à retenir : comment transmettre ce que nous avons mis dans l'écriture ? Dans la mesure où nous envisageons notre écriture comme éphémère, s'effaçant après notre passage sur le plateau, notre passage sur terre. Je parle pour dans dix siècles.
Marc Vittecoq